Stéphane Benhamou, éducateur hors normes

Cet homme discret est à l’origine du Silence des Justes, l’association d’accompagnement de personnes autistes qui a inspiré le film Hors normes.
Stéphane Benhamou - remuer terre les jeunes autistes

Cet homme discret est à l’origine du Silence des Justes, l’association d’accompagnement de personnes autistes qui a inspiré le film Hors normes.

Ceux qui ont vu Hors normes, le film d’Éric Toledano et Olivier Nakache, le connaissent déjà un peu sans le savoir. Bruno, le personnage interprété par Vincent Cassel, c’est lui. Un éducateur engagé, remuant ciel et terre pour faire en sorte que les enfants et adolescents autistes sortent de leur isolement. « Le film nous rend héroïques, mais les héros, ce sont les enfants et leurs parents », insiste Stéphane Benhamou, précisant que son quotidien est bien moins spectaculaire que celui de son alter ego sur grand écran.

Prise en charge de l’autisme, ce qui a changé un an après. En 1996, Stéphane Benhamou a créé l’association le Silence des Justes, une structure médico-sociale qui aide des enfants et adolescents souffrant de troubles du spectre autistique souvent sévères. Son ambition ? Leur offrir une « vie normale » et surtout leur permettre d’être libres, c’est-à-dire « d’avoir la capacité de faire des choix ». Des impératifs surgis au début des années 1990, alors que Stéphane Benhamou dirige un centre de vacances pour enfants « ordinaires ». Un jour, un psychiatre, le docteur Moïse Assouline, lui parle d’un couple souhaitant que leur fils, Johan, expérimente des vacances « classiques ».

« Un autre monde dans le monde »

Stéphane Benhamou accepte, sans rien connaître ou presque de l’autisme, « cet autre monde dans le monde », dit-il. Les débuts de Johan dans la colonie sont difficiles. « Il était isolé, personne ne l’approchait. Jusqu’à ce qu’on décide d’arrêter de chercher à communiquer à tout prix et de tout simplement l’inclure, en l’invitant à participer à toutes les activités et à la vie quotidienne des autres enfants. »

Le séjour est bénéfique pour l’adolescent, dont le médecin et les parents notent des progrès sensibles. Aujourd’hui, Johan est adulte et il va bien. « On le voit à la fin du film », souligne le fondateur du Silence des Justes, heureux que le casting de Hors normes ait intégré de « vrais » autistes.

Stéphane Benhamou ne parle presque jamais à la première personne. Il dit « nous », « on », jamais « moi ». « Parce que je ne suis pas seul, affirme-t-il. Un homme seul ne peut absolument rien construire, ça, c’est dans la fiction. Je connais les 89 enfants et ados qu’on prend en charge, mais on a des équipes professionnelles qui sont au quotidien avec eux. »

Si le film de Toledano et Nakache, des amis de longue date, a le mérite de mettre en lumière son association – et plus largement la nécessité d’une politique volontariste en matière de prise en charge de l’autisme – ce discret ne s’habitue pas à être au centre de l’attention. De lui, il ne dit presque rien, sinon qu’il a « grandi normalement, dans une famille juive,entouré d’amis de tous bords du fait que je vivais dans une cité. » Puis il revient au sujet qui occupe ses jours et parfois ses nuits : l’autisme. Les progrès qui ont été faits et ceux qu’il reste à faire pour véritablement inclure ces enfants dans la société.

Mieux préparer les enfants à l’inclusion

« Aujourd’hui, on a plus de certitudes sur les étapes du développement d’un enfant diagnostiqué à l’âge de 3 ans, explique-t-il. Cela permet de mieux le préparer à l’inclusion scolaire, en lui faisant d’abord visiter l’école puis la classe, en organisant une rencontre ludique avec ses camarades… Évidemment, il faudra à cet enfant un orthophoniste, un psychomotricien, un psychologue, mais il y arrivera, parce qu’il aura été préparé. Comme nous tous, les autistes sont plus à l’aise quand ils connaissent. »

Cela vaut aussi pour l’accès à la vie professionnelle, vers laquelle l’association accompagne les jeunes adultes.Une tâche qui laisse peu de temps à d’autres activités, comme la promotion du film Hors normes, que Stéphane Benhamou vit comme une contrainte. « Ce n’est pas que je ne suis pas à l’aise, mais ce n’est pas mon métier. Il faut rester à sa place. Quand je bois un café avec Rudy, je suis à ma place. »

Rudy, c’est ce jeune homme qui, depuis le début de l’entretien, écoute et parfois intervient, le plus souvent pour dire tout le bien qu’il pense de Stéphane Benhamou. « Je viens le voir toutes les semaines, raconte ce trentenaire. Il m’a beaucoup aidé, j’ai de la chance de l’avoir. »

Autiste, Rudy a été accueilli par le Silence des Justes lorsqu’il était adolescent. « J’ai évolué depuis, raconte-t-il. J’ai fait un BEP et un bac pro. J’ai aussi été hôte de caisse chez Auchan, mais ça me prenait la tête ». Il travaille désormais dans un cabinet comptable. Mais son rêve, ce serait de devenir chef de village au Club Méditerranée, en Italie. Stéphane Benhamou a promis de l’aider. On le croit.

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Son inspiration : les mots d’Elie Wiesel

Le prix Nobel de la paix Elie Wiesel fut l’un des premiers soutiens de l’association Le silence des justes.Dès 1998, il écrit à Stéphane Benhamou ce message : « Une communauté est définie et jugée par son attitude envers les enfants et particulièrement envers les enfants malades »« Pour moi, cela répond à un principe fort de la tradition juive, cette idée que l’on est juif que pour l’autre », explique Stéphane Benhamou. Relire chaque jour ces mots placardés dans son bureau le « recadre », dit-il. « Ce que nous avons fait, c’est bien, mais c’est ce qui reste à faire qui nous préoccupe et nous engage. »

Jeanne Ferney,  le 20/11/2019 à 14:52

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