« Hors normes, un autre regard »: les enfants autistes « sévères »
Ce documentaire remarquable signé Thomas Raguet, c’est le prolongement du film Hors Normes des réalisateurs Éric Toledano et Olivier Nakache (Intouchables, Samba, Le Sens de la fête…) sorti en 2019. Cette fiction très réelle mettait en lumière la problématique des personnes autistes sévères pour lesquelles l’État français ne prévoit rien. Et si ce film a sérieusement fait bouger les lignes, ce documentaire donne cette fois la parole à ceux qui ont inspiré le film, ces responsables d’associations qui se battent sans relâche depuis des années.
On rencontre les 2 héros de l’ombre qui ont inspiré les rôles de Vincent Cassel Reda Kateb dans le film : Stéphane Benhamou et Daoud Tatou. Le premier a fondé l’association Le Silence des Justes pour offrir une formation aux personnes autistes. Son but est de leur offrir la perspective d’une (belle) vie, avec un métier en autonomie.
Il a aussi mis sur pied des appartements thérapeutiques, un mode d’accueil unique pour apprendre à vivre comme tout le monde avec une surveillance. Et il a encore fait le pari que ces enfants pouvaient partir en vacances, comme des touristes ordinaires. Le second a, lui, fondé Le Relais Île-de-France et s’est donné comme objectif de libérer les enfants de leur enfermement, en partant du principe que tout est possible. Leur méthode à chacun : dompter la violence des enfants et tenter de l’enrayer.
Pour les cas dits « déficitaires », les protagonistes réclament plus de moyens à l’État pour un accompagnement sur mesure, que celui-ci estime trop coûteux. Ils reprochent aussi aux institutions une sélection des autistes. Ils l’affirment : ceux qui sont atteints trop sévèrement sont refoulés.
Et ils seraient 10.000 en France à se retrouver sans structure pour les accueillir. Résultat : des parents qui doivent tout prendre en charge à la maison et se retrouvent perdus face à leur enfant qui vit des crises ingérables pour eux et les plongent dans une totale détresse. Une association envoie des équipes mobiles qui sillonnent la France pour soulager les familles quelques heures par semaine.
Les réalisateurs nous feront voir aussi l’existence de « structures de répit » à travers une association fondée par des parents, eux-mêmes parents d’une fille autiste. Ce type de structure d’accueil donne, tout au long de l’année, quelques jours de respiration aux parents, en encadrant les enfants à la campagne. Ce droit au répit, les parents en rêvent tous, mais les structures sont encore une fois trop peu nombreuses et les listes d’attente très longues. Sans parler de l’absence de subventions. Lorsque l’État démissionne, c’est sur le bon vouloir des familles souvent concernées que repose une prise en charge.
Un arrêt aussi par la case école. L’inclusion scolaire est obligatoire depuis 2005 en France et tellement essentielle pour l’éducation du regard à la différence. Mais plus ils grandissent, plus les enfants autistes voient les portes se refermer. Certains ont besoin d’une prise en charge spécifique et des classes spéciales ont été créées pour eux, 2000 places pour toute la France. Insuffisant. Alors les Français se tournent vers la Belgique, devenue une sorte de bouée de sauvetage. Le film nous apprend que 1500 enfants et 6000 adultes seraient actuellement pris en charge chez nous.
Dans ce documentaire qui aborde le sujet de l’autisme sous tous les angles, l’accent est également mis sur l’importance d’une prise en charge précoce afin de ne pas surhandicaper les enfants voire d’améliorer considérablement leur trouble.
Enfin, cette question qui hante tous les parents d’enfants autistes, et particulièrement ces enfants devenus adultes et pour qui la prise en charge est encore plus compliquée : « qu’adviendra-t-il de lui ou d’elle lorsqu’on ne sera plus là ? »
Source : rtbf.be
Par Fanny Guéret